#5 Un rêve où vivre

 

 

Même éveillée, je cherche encore un rêve où vivre... 

 

 

 

 

 

 

15 octobre 2011 soir

 

Ce matin, il me semblait bien que j’aurais pu poursuivre ma journée dans le prolongement de ce rêve. Mais s’il reste bien présent, je le sens désormais s’éloigner de moi, emportant avec lui les traces d’un chemin que je veux retrouver.

 

C’est comme si la routine de mes déplacements pour aller faire les courses ce matin, les passants, aller puis retour, m’avaient appelée à eux. J’avais dû regarder devant moi, m’adresser ne serait-ce qu’un peu aux personnes que je croisais au supermarché, dans le bus, jusque dans le hall de ma résidence. Les gestes mécaniques que j’enchaînais pour faire le ménage, les coups de fils… J’ai dû quitter l’intimité de mes pensées pour ouvrir davantage les yeux sur la réalité. Au fil de la journée, à mesure que mon rêve s’évanouissait, je sentais la lassitude me gagner.

 

Encore maintenant, affalée dans mon lit, je ne peux que constater ce qui est.

 

Et puis, il y a le prochain TD avec M. Lafont. Même s’il est dans plus d’une semaine, je sais qu’il sera dédié à la constitution de sous-groupes pour la passation des entretiens dont il a commencé à parler. Lors de ces TD, nous ne sommes qu’une trentaine d’étudiants, du moins d’étudiants présents. Je sais que je vais devoir l’affronter. J’aurais peut-être même à me présenter par le biais d’un tour de table que tout le monde déteste et ça m’inquiète.

 

Comme à chaque fois que cela m’arrive, je ne dois pas oublier que ce n’était qu’un rêve et seulement le mien. Méthode Coué. Je dois souvent lutter contre la trace que laissent mes rêves une fois éveillée. J’ai très souvent la sensation de les vivre pleinement, comme si j’en avais fait réellement l’expérience. Mes rêves changent ma façon de voir ce qui m’entoure, mes amis ou parfois des gens de ma famille parce qu’ils sont intervenus lors de mes songes en pleine nuit. Et c’est le plus souvent comme cela que ça se passe : le jour succède à la nuit et prend le relais de mes rêves. J’ai toujours la sensation que ce sont mes rêves le point de départ et non le jour ; que mes rêves ne traduisent pas quelque chose que j’aurais vécu la veille. Ils la devancent toujours.

 

Au sujet de Monsieur Lafont, je ressens la même chose. Comme si, malgré moi, j’avais projeté un chemin que je ne peux désormais ignorer. Même si je désire le contourner, l’ignorer, il reste toujours présent.

 

Mes rêves sont souvent très beaux. J’y vois des choses magnifiques aux couleurs surréalistes. Je me souviens d’un bleu électrique à la profondeur encore plus vibrante que celle de la plume d’un paon ; de la texture d’une peau si douce qu’elle se confondait avec la mienne. Je rêve aussi de choses qui me font très peur et qui m’angoissent encore après le réveil. Dans ces cas-là, la seule manière de m’apaiser est de chercher une solution durant la journée, lorsque je suis bien réveillée. J’ai cherché de nombreuses fois à parler à des personnes suite à ce que je pouvais ressentir à leur sujet en rêve. Je passe sur le sujet de ma mère. Mais c’est vrai aussi avec mon père. Comme si je devais réaligner l’expérience du rêve avec celle de la réalité, au risque de me mentir ou bien de me tromper. C’est très bizarre. Quand je parle avec des copines, surtout Valentine, je sais que c’est un peu pareil pour elle et ça me rassure. Enfin, ça a l’air d’être pareil. Je ne lui dis pas tout, pas ce que j’écris ici.

 

Le TD est mardi dans dix jours, il y a des chances que mon rêve au sujet de M. Lafont ce soit encore davantage estompé d’ici là. Mais, je sais aussi qu’une fois face à lui, il pourrait revenir subitement comme si j’y étais. Cela m’est déjà arrivée. C’est fou, mais le fait d’avoir rêvé c’est comme si ça c’était passé quelque part, et que je ne pouvais pas faire autrement que d’en tenir compte dans la réalité.

 

Mes rêves ne sont pas inconséquents. Ils sont aussi forts que mes désirs.

 

Je suis à dix jours du TD et malgré moi, j’élabore l’architecture d’une vengeance. Je veux lui faire sentir la fougue du désir qu’il m’impose jusque dans l’intimité. J’ai l’envie furieuse de percer son indifférence, de m’approcher encore plus près de lui comme d’un précipice que l’on cherche à sonder. J’ai envie de m’approcher de pleins de petites morts et de leurs voluptés.

 

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